"Z'étiez malade, Mdame?"

Aujourd'hui je ne travaille pas (enfin pas vraiment même si je profite de ma "journée off" pour me mettre à jour dans mes copies et autres bulletins à remplir...) car avec ma toux de tuberculeuse, mon médecin a jugé préférable que je reste à la maison. Demain, d'après mon médecin toujours, et après seulement 2 jours d'antibiotiques, je serais miraculeusement guérie et donc demain je retourne à l'école vaille que vaille!

Du coup je me prépare à affronter les questions que ne manqueront pas de me poser les élèves (car évidemment, vu que les profs demandent toujours à vérifier leurs "absences", ils trouvent la réciproque tout à fait légitime, mais pour l'instant dieu merci ils n'en sont pas encore à exiger un certificat médical et un mot signé des parents...). La question qui revient le plus souvent est bien sûr: "vous étiez pas là hier...pourquoi? vous étiez malade?". Je soupçonne certains élèves de croire bien sincèrement que leurs profs parfois décident de prolonger leur weekend sans autre raison que la paresse ou une envie subite de grasse matinée (il est vrai aussi que nous sommes une corporation de "fainéants" comme on nous le reproche assez souvent, et dans ce sens, certains parents d'élèves se plaisent à entretenir le mythe et à le transmettre à leurs chères têtes blondes, là où nous, nous préférerions qu'ils commencent par leur transmettre quelques règles élémentaires de politesse, mais n'allons pas polémiquer...).

Ceci me rappelle une petite anecdote, survenue lors de ma 1ère année en région parisienne dans le fameux 9-3. Encore aujourd'hui, rien que d'y penser, je me marre toute seule... Donc un beau jour, revenant de quelques jours de congé maladie pour cause de bronchite aigüe, je me retrouve face à mes petits 6e survoltés, qui sitôt passés la porte me mitraillent de questions:

"vous étiez où? Nous on a cru ça y est, la prof elle est repartie à *Biiiip* (le paradis des chalets en bois et des neiges éternelles, rappelez-vous) parce qu'elle en a eu trop marre de nous!"

Touchée de voir qu'ils étaient inquiets et se sont sentis abandonnés (c'est hélas souvent le cas dans les collèges dit "difficiles"), je m'empresse de les rassurer en leur disant que non, je n'ai pas l'intention de repartir à *Biiiiiiiip* (tout en priant intérieurement que les dieux du rectorat ne m'y réexpédient quand même avant la retraite...), que si je n'étais pas là ce n'était pas non plus que je ne voulais plus les voir, mais juste que j'étais malade.

Aussitôt la question qui tue: "ah! vous aviez une dépression?". Ben oui, c'est bien connu, les profs ne sont sujet qu'à une seule et unique maladie, la dépression nerveuse, c'est d'ailleurs pour cela qu'ils ont tant de vacances dans l'année, c'est pour ménager leurs nerfs fragiles...!!! D'ailleurs un "vrai" prof est forcément "dépressif" ou en tout cas "a quand même de sacrés problèmes psychologiques à mon avis ma ptite dame, sans vouloir vous offenser, ça tourne pas toujours bien rond là-dedans (geste à l'appui)", c'est ce que m'a sorti un jour tout net un chauffeur de taxi que j'avais pris un soir tard pour rentrer d'un conseil de classe (c'est véridique!!!). Le pauvre type a du rajouter ensuite "pingre et près de leurs sous" à la longue liste de nos défauts puisque bien sûr, psychologiquement perturbée comme je l'étais, j'en ai oublié son pourboire (et toc)!

Donc non, voulant absolument ôter de la tête de mes petits 6e que je suis "en dépression", je m'en vais leur expliquer que j'avais juste une "bronchite". A leurs yeux écarquillés, je comprends tout de suite que nombre d'entre eux ne connaît pas le sens de ce mot. Je leur explique donc que c'est comme une sorte de grippe ou un rhume s'ils préfèrent, qu'on se mouche tout le temps, qu'on a de la fièvre et que l'on tousse beaucoup puisque cette maladie touche les poumons. Là "aaaahhhhhhh!" fait la classe qui comprend tout à coup. Et le jeune Mehdi de s'exclamer "ben madame, c'est normal de tousser et d'avoir mal aux poumons la 1ère fois! , on comprend vous zinquiétez pas!". "La 1ère fois? quelle 1ère fois?". Mehdi: "ben la 1ère fois qu'on fume du shit! vous zaviez pas l'habitude madame, c'est pour ça que vous zavez été malade, mais ça ira mieux la prochaine fois!". J'en suis restée sciée!! Moi qui voulais me montrer claire et précise pour dissiper tout malentendu (comme quoi le mieux est souvent l'ennemi du bien...)! Las, c'était sans compter que oui, dans "bronchite" il y a "chite (shit)".......... Il m'a fallu 10 bonnes minutes pour rattraper le coup avec mes 6e, imaginez un peu l'effet si le soir ils étaient rentrés chez eux en expliquant doctement à leurs parents que "la prof d'anglais elle était pas là pas parce qu'elle est en dépression mais comme elle avait fumé du shit pour la 1ère fois, et ben elle a été malade à ses poumons."

Bon théoriquement mes élèves actuels ne devraient pas me faire ce genre de réflexions demain...mais sait-on jamais. L'un de mes 4e, s'inquiétant de me voir tousser en cours, m'a quand même dit l'autre jour: "vous savez madame, il n'y a pas de mal à prendre des congés en dehors des vacances, pendant le temps scolaire je veux dire...nous on vous en voudra pas!". Comme c'est trop gentil!!! Dire que moi je suis là à culpabiliser bêtement parce que je manque 2 jours dans l'année alors que les élèves au final (en tout cas certains) ne demandent pas mieux!

Bridget, qui s'en retourne à ses inhalations (d'eucalyptus je vous rassure! lol!)