L'élève de 6e, ce petit être avide de connaissances...

Aujourd'hui, comme chaque semaine, j'anime une heure de soutien en français pour des petits 6e en difficulté. A mi-chemin entre l'aide aux devoirs et le cours particulier, l'objectif est d'apporter aux élèves un soutien personnalisé de manière à les remettre dans "une spirale de réussite" dixit notre chef, et à favoriser leur réussite éducative (petit jeu pour les initiés, en particulier Shimène: retrouver dans cette phrase l'intitulé du stage tant décrié dans les comms précédents!).

Comme les élèves sont en petit groupe (je n'en ai que 3), que ce sont des petits 6e "nature" et que cette heure se trouve en fin de journée (et qu'elle est longue la journée d'un 6e qui commence à 8h, finit à 17h puis enchaîne avec un entraînement de foot-boxe-hand... sans parler des autres devoirs à faire en rentrant et éventuellement des petits frères/soeurs qu'il faut en plus garder en attendant que maman rentre du travail, puis du temps passé sur Internet à chatter sur MSN ou faire son blog après le dîner...), les élèves se sentent rapidement en confiance, et tout en faisant les activités proposées, n'ont aucun scrupule à vous raconter les petits et grands événements de leur vie, ni à vous faire part des questions existentielles qui traversent leur petite tête de 6e depuis qu'ils ont mis un pied dans le collège. Et je ne parle pas de l'inévitable transfert qui a fait par exemple au 1er trimestre qu'une petite n'a jamais réussi à m'appeler autrement que "maman" ou "maîtresse" (avec une proportion de 10 "maman"s pour 1 "maîtresse" par heure!).

Mais revenons à leurs interrogations...Un petit dont la maman projette de s'installer en Guadeloupe à la rentrée prochaine s'inquiète régulièrement de savoir "si les pilotes des avions ils ont quand même bien l'habitude de voler au-dessus de l'océan", ou "si il faudra vraiment mettre de la crème solaire tous les jours, et comment ça va me faire là-bas si il fait toujours 40°C?"...Un autre, observant avec inquiétude les murs quelque peu décrépis de la salle se demande si "ils vont pas bientôt s'effondrer, non? j'espère quand même que ce s'ra pendant les vacances sinon vraiment je sais pas comment on va faire!" (tu m'étonnes!).

Mais leur sujet de prédilection est sans conteste...les profs! Ils ne connaissent que les leurs bien sûr, plus quelques autres de réputation parce que leurs frères et/ou soeurs qui les ont précédés les ont eus en cours. Comme moi ils ne me connaissent pas du tout puisque je n'ai pas de 6e et que je suis depuis peu dans l'établissement ils doivent me considérer comme digne de confiance ou en tout cas "neutre", ce qui occasionne des réflexions du genre: "dites Madame? Mr Machin le prof d'histoire-géo, celui qui a l'air vieux, il devrait pas déjà être à la retraite, non? parce que mon frère il était au collège il y a 6 ans, et ben il l'avait déjà!". Bon ils n'ont peut-être pas tout à fait tort pour Mr Machin, mais quand on sait que pour un collégien on est déjà presque "une vieille croûte" à peine entré dans la trentaine, ça fait un peu froid dans le dos lol!

Aujourd'hui le sujet des profs est revenu sur le tapis de manière inattendue. Les élèves ne voient pas en quoi il est irrespectueux de dire "Martin" ou "Trucmuche" au lieu de Mr Martin et Mme Trucmuche. L'un d'eux se met tout à coup à vociférer contre "Trucmuche", sa prof de français qui, dit-il, "m'a collé en soutien alors que j'ai pas besoin puisque je sais lire!". Je le reprends, "tu veux dire Madame Trucmuche je suppose!". Et là le 2e de s'étonner: "tiens oui c'est bizarre au fait, Madame Trucmuche elle est plutôt jolie et jeune, et pourtant elle est pas mariée puisqu'en fait c'est Mademoiselle Trucmuche,  alors que Madame Bidulchouette [collègue d'anglais] elle, elle est pas trop jolie et plutôt pas jeune et pourtant apparemment elle a quand même un mari puisqu'on dit Madame! vous trouvez pas Madame que c'est bizarre?". No comment! Dieu merci ils n'ont pas été jusqu'à me demander moi où j'en étais, c'est fou ce qu'ils sont conventionnels quand même à cet âge, mais bon je fais du soutien français, pas un cours sur "il n'y a pas que la beauté physique qui compte, et puis de toute façon les hommes ont parfois des critères de choix qui dépassent l'entendement etc..."

Ces heures sont aussi riches en perles, et aujourd'hui n'a pas dérogé à la règle!

Question: "quelle est la différence entre une corde et une cordelette? Explique comment on arrive à ce changement de sens." (on travaille sur la formation des mots, les notions de radical, suffixe, préfixe...) Sans problème mes 3 loustics me disent qu'une cordelette est une petite corde, et qu'on a ajouté "-ette" pour arriver à ce sens.

Question: "OK. pouvez-vous me donner d'autres exemples avec le suffixe -"ette"?" Evidemment comme on travaille à l'oral, je commence par avoir une foule de mots en "ette" mais qui ne correspondent pas (en vrac, j'ai eu "mouette, moquette, cacahuète, chouette, tartiflette...") puis enfin on arrive à des mots plus valables ("mallette, valisette, barquette..."). Et là un éclair de génie (ou l'envie d'amuser la galerie plus certainement même si le public n'est que de 3 personnes, dont la prof) traverse le jeune Pinpin. Il lève le doigt tout fier de lui et me sort même pas gêné: "j'ai trouvé, "quéqué" (orthographe incertaine), et ben ça devient "quéquette"!" Effet garanti sur Lily, la seule fille du groupe, qui pouffe, puis prend un air dégoûté pour dire à Pinpin: "ben toi alors! vraiment tu penses qu'à ça!". A quoi j'ai répondu: "et oui que veux-tu, c'est un garçon! et ça ne fait que commencer!"...La gamine acquiesce et me fait: "quand y sont ados, c'est des obsédés les garçons moi je dis!". Elle a complètement raison, et le pire, c'est que même après, certains (beaucoup ?) le restent, mais bon ceci dépassant largement l'objet de cette heure de soutien, j'ai préféré garder cette réflexion-là pour moi, elle le découvrira bien assez tôt!

Bridget, qui en entend des "vertes et des pas mûres" comme on dit mais ne s'en lasse pas!